02/12/2020

Interview de Carroll MADIYA, Coordonnatrice de la NGT/Femmes "Écoutez davantage les femmes!"

Mme Carroll MADIYA 



Accès des femmes vivant avec VIH-SIDA à des services communautaires de prévention, de traitement et de prise en charge du VIH, Carroll Madiya, Coordonnatrice de la Nouvelle Génération Tshisekedi Femmes (NGT/Femmes) dit non aux inégalités du genre, en RDC, qui rendent les femmes plus vulnérables que les hommes.

AP : le monde entier a célébré hier Mardi 01 Décembre 2020, la Journée mondiale de la lutte contre le sida. Quelle est votre lecture sur la situation en RDC ?

Carroll MADIYA : En 2020, faut-il encore rappeler que le sida concerne également les femmes? Les militantes féministes peinent encore à faire entendre la parole des femmes et les solutions qu’elles proposent dans la lutte contre le VIH/sida en RDC.

À l’échelle mondiale, les filles et les femmes représentent plus de la moitié des 38 millions de personnes vivant avec le VIH, et dans certaines régions, ce sont plus spécifiquement les adolescentes qui sont touchées. Cette situation est liée aux rapports de pouvoir patriarcaux, profondément ancrés dans nos sociétés, qui s’exerce aussi et au premier chef dans la sphère de la sexualité.

Bien que d’immenses progrès aient été obtenus depuis les années 2000, cela ne couvre qu’une partie de la question. Il faut comprendre que la lutte contre le Sida est une approche basée sur le genre. Les institutions internationales et nationales en ont pris conscience, mais les réponses tardent encore.

AP : Qu’est ce qui bloque selon vous ?

Carroll MADIYA : Un manque de volonté politique. Les blocages sont avant tout politiques et institutionnels. La prise en compte du genre dans la lutte contre le VIH/sida exige des États qu’ils instaurent des politiques volontaristes en matière d’éducation complète à la sexualité, qu’ils reconnaissent les droits sexuels de toutes les femmes et qu’ils fassent de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles une priorité. Or, on sait que sur ces questions, nous assistons souvent à des retours en arrière, au mieux, à la politique des petits pas. Par ailleurs, la culture dominante dans les programmes nationaux et organisations internationales reste patriarcale, les enjeux d’inégalités de genre et la participation des femmes individuellement ou collectivement y sont marginalisés.

Le deuxième obstacle, directement lié, est opérationnel les approches basées sur le genre sont souvent diluées dans un jargon technique, soumises à une culture du résultat inadaptée et écartées au moment des arbitrages budgétaires. Le décalage est immense entre les discours institutionnels et les analyses effectuées par les associations de femmes, qui n’en voient pas les effets, y compris au plus fort de la crise Covid-19.

AP : Que proposez-vous pour pallier à cette situation ?

Carroll MADIYA : Les recommandations sont nombreuses je ne sais si vous allez me permettre de toutes les énumérez ici

AP : Si je vous le permets au nom de toutes ces femmes que nous représentons.  

Carroll MADIYA : Merci

Pour pallier à cette situation, la NGT/Femmes que je représente pense qu’il faut soutenir, politiquement et financièrement, les associations féministes qui, depuis des années, se battent pour agir sur les causes de la vulnérabilité des femmes à la pandémie, rendre visibles les femmes les plus marginalisées et faire valoir leurs connaissances. Elles doivent être systématiquement associées aux espaces d’élaboration des politiques publiques de lutte contre le VIH/sida et aux prises de décision.

Ensuite, il s’agit de faire de l’égalité de genre le principe directeur de toute politique publique de lutte contre le VIH/sida. Cela implique des politiques volontaristes et contraignantes qui mobilisent des moyens clairs pour lutter contre les inégalités structurelles entre les femmes et les hommes et renforcer le pouvoir individuel et collectif des femmes.

La lutte contre le VIH/sida a su marquer les consciences collectives par son audace et sa capacité à secouer les approches dogmatiques. Son prochain tournant doit être féministe.

AP : Quel conseil donneriez-vous à nos lecteurs pour traiter au mieux le sujet de l’égalité femmes-hommes ?

Carroll MADIYA : Écouter les femmes ! Sur les questions d’égalité, de parentalité et sur tous les autres sujets aussi. Autour d’une table, quand il y a moins de 30 % de femmes, elles restent une minorité et donc statistiquement elles seront moins ou pas écoutées. Il faut donc plein de femmes pour représenter la diversité des femmes et qu’elles puissent aussi avoir une voix suffisamment importante pour remettre en question des habitudes.

Propos recueillis par Rossy Pembe 



 

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