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Mme Carroll MADIYA |
À l’échelle mondiale, les filles et
les femmes représentent plus de la moitié des 38 millions de personnes vivant avec le VIH, et dans certaines
régions, ce sont plus spécifiquement les adolescentes qui sont touchées.
Cette situation est liée aux rapports de pouvoir patriarcaux, profondément
ancrés dans nos sociétés, qui s’exerce aussi et au premier chef dans la sphère
de la sexualité.
Bien que d’immenses progrès aient
été obtenus depuis les années 2000, cela ne couvre qu’une partie de la
question. Il faut comprendre que la lutte contre le Sida est une approche basée
sur le genre. Les institutions internationales et nationales en ont pris
conscience, mais les réponses tardent encore.
AP :
Qu’est ce qui bloque selon vous ?
Carroll MADIYA : Un manque de volonté politique. Les blocages sont avant tout
politiques et institutionnels. La prise en compte du genre dans la lutte contre
le VIH/sida exige des États qu’ils instaurent des politiques volontaristes en
matière d’éducation complète à la sexualité, qu’ils reconnaissent les droits
sexuels de toutes les femmes et qu’ils fassent de la lutte contre les violences
sexistes et sexuelles une priorité. Or, on sait que sur ces questions, nous
assistons souvent à des retours en arrière, au mieux, à la politique des petits
pas. Par ailleurs, la culture dominante dans les programmes nationaux et
organisations internationales reste patriarcale, les enjeux d’inégalités de
genre et la participation des femmes individuellement ou collectivement y sont
marginalisés.
Le deuxième obstacle, directement
lié, est opérationnel les approches basées sur le genre sont souvent diluées
dans un jargon technique, soumises à une culture du résultat inadaptée et
écartées au moment des arbitrages budgétaires. Le décalage est immense entre
les discours institutionnels et les analyses effectuées par les associations de
femmes, qui n’en voient pas les effets, y compris au plus fort
de la crise Covid-19.
AP :
Que proposez-vous pour pallier à cette situation ?
Carroll MADIYA : Les recommandations sont nombreuses je ne sais si vous allez me
permettre de toutes les énumérez ici
AP : Si je vous le permets au
nom de toutes ces femmes que nous représentons.
Carroll MADIYA : Merci
Pour pallier à cette situation, la
NGT/Femmes que je représente pense qu’il faut soutenir, politiquement et
financièrement, les associations féministes qui, depuis des années, se battent
pour agir sur les causes de la vulnérabilité des femmes à la pandémie, rendre
visibles les femmes les plus marginalisées et faire valoir leurs connaissances.
Elles doivent être systématiquement associées aux espaces d’élaboration des
politiques publiques de lutte contre le VIH/sida et aux prises de décision.
Ensuite, il s’agit de faire de l’égalité de genre le principe directeur de toute politique publique de lutte contre le VIH/sida. Cela implique des politiques volontaristes et contraignantes qui mobilisent des moyens clairs pour lutter contre les inégalités structurelles entre les femmes et les hommes et renforcer le pouvoir individuel et collectif des femmes.
La lutte contre le VIH/sida a su marquer les consciences collectives par son audace et sa capacité à secouer les approches dogmatiques. Son prochain tournant doit être féministe.
AP : Quel conseil
donneriez-vous à nos lecteurs pour traiter au mieux le sujet de l’égalité
femmes-hommes ?
Carroll MADIYA : Écouter les
femmes ! Sur les questions d’égalité, de parentalité et sur tous les autres
sujets aussi. Autour d’une table, quand il y a moins de 30 % de femmes, elles
restent une minorité et donc statistiquement elles seront moins ou pas
écoutées. Il faut donc plein de femmes pour représenter la diversité des femmes
et qu’elles puissent aussi avoir une voix suffisamment importante pour remettre
en question des habitudes.
Propos recueillis par Rossy Pembe